L’immobilier reste très convoité. Mais pour combien de temps encore ?

Interrogé par l’Agefi sur l’attractivité de l’immobilier indirect, Arnaud de Jamblinne, directeur général de La Foncière, dresse un portrait large de la rentabilité des grandes classes d’actifs et parmi celles-ci, de l’immobilier. Il note que l’attractivité de l’immobilier reste forte, même si certaines caractéristiques du marché commencent à peser sur les rendements, voire même à entrainer les prix des immeubles à la baisse.

La rentabilité de l’immobilier est-elle sous pression ?

La préoccupation majeure des investisseurs institutionnels réside dans l’absence de rendement direct des instruments financiers traditionnels, obligations en tête, ce n’est pas un scoop! Les obligations sont délaissées au profit de l’immobilier qui offre une alternative intéressante. Ce dernier est donc devenu très convoité, mais pour combien de temps encore, il est légitime de se poser la question.

Quelle est votre lecture des performances des grandes classes d’actifs ?

Nous avons étudié ces performances à l’aide de trois tableaux comparatifs (Bloomberg) établis sur 3 périodes de durée distincte.

Pour la période 2008-2016, les fonds immobiliers triomphent à 6,96% par an, suivis par les obligations (SBI) à 4,46%. Les actions (SPI) sont à la traîne à 2,66% n’ayant jamais comblé le retard accumulé en 2008.

Pour la période 2011-2016, les actions triomphent à 12,03%, les fonds immobiliers affichent 5,37%, suivis par les obligations avec 3,36%.

Pour la période 2014-2016, l’immobilier reprend la tête avec 8,76%, suivi par les obligations à 4,22%. Les actions sont à la traîne avec 2,01%.

Une première conclusion à tirer est que les actions vivent leur vie en fonction des cycles, par contre l’immobilier est devenu de plus en plus attrayant ces dernières années, comme le montre l’écart de performance avec les obligations qui va croissant.

Ce que ces graphiques ne montrent pas, c’est le recul progressif du rendement direct sur les obligations. Ainsi, les obligations de la Confédération à 10 ans, qui rapportaient 2,11% en 2005, et 2,93% en 2008, ne rapportent plus que  1,65% en 2010, puis 0,73% en 2014. Et depuis 2015, le rendement est  tombé en territoire négatif.

Et pour l’immobilier ?

Pour l’immobilier, l’histoire est un peu différente : les dividendes sont, de façon générale, restés constants. La performance boursière en a profité, augmentée par la hausse des cours, les investisseurs se satisfaisant d’un rendement inférieur, suivant le trend des obligations.

Quel est votre sentiment après cette première analyse ?

Pour les obligations, il est assez facile de connaître la solvabilité d’un débiteur, tout comme le montant du coupon, fixé à l’émission. Ce dernier va dépendre du marché, dicté par la politique des banques centrales, la BNS en tête.

Pour l’immobilier, la problématique est plus complexe. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit de valeurs réelles, d’immeubles situés dans un environnement géographique spécifique et dont les revenus sont générés par des loyers, payés par des locataires, encore faut-il que les immeubles soient occupés. Les charges liées à l’exploitation et à la rénovation d’un immeuble sont importantes. Le revenu est donc soumis à des fluctuations.

Certes les dernières années ont été très favorables à l’immobilier avec une immigration importante et peu de nouvelles constructions en région urbaine. Chaque nouvel appartement a trouvé preneur, les taux de vacance ont été ridiculement bas, on parle même de pénurie.

Alors ce tableau est-il fait pour perdurer ?

Non. La donne est en train de changer sous la pression de trois facteurs importants qui viennent péjorer l’attractivité économique de l’immobilier : le taux de vacance, le niveau des loyers et l’attractivité de la PPE.

  1. Selon les dernières publications des statistiques des logements vacants au 1er  juin 2016, on constate qu’il y a 11% de plus de logements vacants en Suisse, soit 1,3% du parc. Même les régions les plus convoitées sont touchées: pour le Canton de Vaud, l’indice remonte de 0,68% à 0,81%, pour le canton de Genève de 0,41% à 0,45%, et pour le canton de Zurich, de 0,78% à 0,85%. Même si les chiffres absolus ne sont pas encore très importants, il faut garder à l’esprit que la situation évolue vers plus de vacants, donc moins de revenus.
  2. Ensuite les loyers. La baisse des loyers, déjà entamée, se poursuit, alimentée par celle des taux hypothécaires ainsi que par la concurrence stimulée par une offre plus abondante.
  3. Et dernier point, il y a une concurrence directe avec la propriété par étages (PPE): un locataire potentiel sera tenté de devenir propriétaire, sa charge mensuelle pouvant être inférieure à celle d’un loyer, tant les intérêts sur les fonds empruntés sont faibles.

Quelle est votre conclusion ?

Au vu des observations précédentes, entraînant toutes des baisses de revenus, il ne serait pas étonnant que les prix de l’immobilier baissent. Paradoxalement, ce n’est pas le cas actuellement. Est-ce la rareté de l’offre couplée à l’attrait du rendement, certes faible mais toujours positif, qui soutient la demande? Sans doute les deux. Jusqu’à quand? Comme nous le disions plus haut, il est légitime de se poser ces questions.